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Amapola - Le blog d'Olivier Sebban
16 octobre 2009

Depuis Croisset

19s_flaubertLa correspondance de Gustave Flaubert est sans doute l’une des plus belles et des plus intéressantes qu’il m’ait été donné de lire. D’abord parce qu’elle témoigne d’une pensée, d’un anticonformisme et d’une intelligence hors du commun ; une acuité mâtinée de cette ironie que l’on retrouve dans toute l’œuvre. On y rencontre cette faculté flaubertienne à penser la bêtise, qui au fond, constitue une manière radicale de penser contre soi-même. On y comprend aisément pourquoi l’un des plus grands écrivains français du XIXéme siècle, détestait les clichés, les idées reçues, poncifs de toutes sortes et opinions qui ne sont jamais le résultat de raisonnements argumentés mais de certitudes. Ces lettres, la plupart adressées à des proches : amis - Bouillet, Maxime Du Camps, maîtresse - Louise Colet, écrivains - Georges Sand, Victor Hugo, pour ne citer qu’eux, dessinent le portrait en creux d’un grand créateur. Il n’est pas de moyen plus direct de comprendre l’élaboration d’une œuvre, depuis sa gestation, - années de formations inclues - à l’époque du premier jet de « La tentation de Saint Antoine », et bien après, lors de la rédaction de ses grands romans, dont « Madame Bovary » ouvre le cycle.

Cette lecture est indispensable pour qui souhaite comprendre comment s’écrit un livre et par quelles affres, passe généralement un romancier. On a souvent glosé sur l’ascétisme de Flaubert, oubliant sans soute qu’il passait quelques mois de l’année à prendre du bon temps à Paris, à l’époque où cela était encore possible. Mais il est certain que la régularité dans la tâche, et l’exclusivité dans le travail, furent nécessaire pour bâtir une œuvre littéraire hors norme qu’il n’eut d’ailleurs pas le temps d’achever. Quatre années d’un labeur colossal pour « Madame Bovary ! » On suit étape par étape, entre autres, la naissance de ce chef d’œuvre, on éprouve la volonté de novation de son auteur. C’est l’invention du narrateur omniscient. Finis les interventions et les commentaires pesants de l’écrivain qui se perd en digressions roboratives, profitables aux feuilletonistes en mal de salaire. Voici l’invention du discours indirect libre, presque celle du monologue intérieur, que Joyce, en digne héritier de Flaubert, utilisera dans Ulysse. Cette correspondance est également l’occasion de comprendre à quel point Flaubert était un très, très grand styliste, cherchant un rythme parfait dans la succession de ses phrases, bannissant les auxiliaires pour trouver une langue ni sèche, ni dépouillée, contrairement à l’idée reçue, mais souvent d’un lyrisme maîtrisé et d’une beauté singulière, visuelle. Je ne dirai pas qu’il faut lire uniquement la correspondance de Flaubert, reprenant à mon compte ce snobisme qui consiste à prétendre qu’elle est supérieure à l’œuvre. Il faut la lire pour revenir à l’œuvre justement. Il faut la lire pour saisir qu’un écrivain est d’abord un grand lecteur, un homme ou une femme au travail, un être en quête d’une forme unique : son emprunte.

Bon et puis disons cela de façon moins sérieuse ; quel plaisir de découvrir au fil de ses lettres, les comptes rendus de son voyage en Orient, quel satisfaction de parcourir le quotidien d’un homme attachant.

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