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Amapola - Le blog d'Olivier Sebban
22 octobre 2009

Article paru dans le nouvel Obs "Le jour de votre Nom"

jour_nomUn roman d'Olivier Sebban


Interné dans le camp de Gurs, dans le sud-ouest de la France, Alvaro affronte, pendant la dernière guerre, un lieutenant sadique. C'est bouleversant

Le Jour de votre nom,     par Olivier Sebban, Seuil, 406 p., 21,50 euros.

Ecrire l'insoutenable violence : tel est le propos qui a fait inventer à Olivier Sebban un nouveau style. Les phrases sont faites de propositions indépendantes juxtaposées. Il n y a quasiment pas de subordonnées, pas de «bien que...», «avant que...», «tandis que...». Les faits sont alignés les uns à la suite des autres, entassés les uns sur les autres. L'effet produit est très fort. On est submergé, étouffé par cette masse compacte d'informations.
L'action se déroule de 1938 à 1944, de la fin de la guerre d'Espagne à la déportation en Pologne. Aucune autre technique narrative n'aurait pu rendre avec autant de vérité le bruit et la fureur de cette époque. Alvaro est un juif espagnol, fils d'Isaac, lui-même passé autrefois clandestinement d'Afrique du Nord en Andalousie. Sans être un combattant républicain proprement dit (Sebban a évité le piège du manichéisme), Alvaro sait de quels côtés penchent ses sympathies. C'est plutôt un nouvel avatar du juif errant, condamné à se déplacer sans trêve. S'il est amené à tuer, il tue comme une bête fauve aux abois. Son beau-père franquiste le hait, des gardes civils violent et massacrent sa maîtresse. Alvaro finit par franchir les Pyrénées et se réfugier en France. Commence alors la plus inattendue et terrible de ses épreuves. On l'interne dans le camp de Gurs, non loin de la frontière, dans le sud-ouest de la France. Faisons confiance à l'auteur, qui s'est renseigné soigneusement sur les conditions de détention infligées aux diverses catégories de sujets jugées indésirables par le gouvernement français : juifs allemands, juifs autrichiens, rescapés de la guerre civile. 428 baraques, une capacité d'accueil de 18 000 prisonniers, 1 800 mètres d'égouts, 250 kilomè- tres de barbelés. Froid intense, paillasses pourries, boue, brimades et humiliations de toutes sortes, cohabitation forcée avec les cadavres qui n'ont pas résisté à ce traitement.
Le camp est aux ordres d'un lieutenant sadique, le lieutenant Davers, un Français «pur sang». Il explique à Alvaro sanguinolent et maculé de fange que tous ces apatrides, échappés d'on ne sait quelle marge suspecte, apporteraient en France le désordre et le chaos si on les laissait en liberté. Cette infamie des camps de concentration établis en France pendant la drôle de guerre, il ne semble pas que l'historiographie officielle ait trop cherché à la mettre en lumière. Les Allemands, après avoir envahi la zone libre, boucleront les survivants dans des wagons plombés à destination d'Auschwitz. Mais cette honte première de Gurs et des camps analogues, il fallait la dire. Seule une prose sans emphase, serrée, efficace, pouvait en exprimer l'horreur

 

Olivier Sebban

Olivier Sebban a 38 ans. Il a publié un premier roman, «Amapola», au Seuil, en 2008.

 

Dominique Fernandez
Le Nouvel Observateur

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