Bel Article signé Clhoé Brendlé dans du mois de
Bel Article signé Clhoé Brendlé dans
du mois de mars à propos de mon roman "Roi Mon père"
Roi mon père
« Roi mon père »mon troisième roman, un récit archaïque que j'ai voulu au plus proche des récits bibliques dont mon travail est pétri. Ce roman n'est pas autre chose que le parcours d'un homme, faux prophète et mauvais berger pour ses fils, la métaphore de notre époque et de ses désirs équivoques, de ses replis.
France Culture. W Faulkner
Chers lectrices et lecteurs, n'hésitez à pas écouter l'émission "Une vie une Œuvre" dimanche 16 janvier, de 16h à 17h, sur France Culture, consacrée à William Faulkner. Une émission à laquelle j'ai eu le plaisir de participer en tant qu'invité.
Mission Stendhal à New-York Culture France
Extrait d’une interview de Jim Harrison, conduite par Jim Fergus pour la Paris Review n° 104
Interviewer
Avez-vous
des conseils à donner aux jeunes écrivains ?
Jim
Harrison
Juste de commencer à la
page un et d’écrire comme un fils de pute. D’être totalement familier avec
toute la tradition littéraire occidentale et, si vous avez encore le temps, d’aller
voir la tradition orientale. Parce que comment pouvez-vous écrire bien si vous
ne savez pas ce qui est considéré comme le meilleur des trois ou quatre cents
dernières années ?
Et ne négligez pas la musique. Je pense que la musique peut aider vraiment.
Maintenez vos distances avec les obligations religieuses, politiques et
sociales. Et j’aurais tendance à pensez qu’il ne faut pas abandonner tant que
ce n’est pas évidemment et totalement impossible. Comme l’image Dostoïevskienne
– quand vous voyez le mur vous êtes censé mettre les mains sur le côté et vous
lancer dedans la tête la première encore et encore. Et pour finir, je les
avertirais que la démocratie ne s’applique pas aux arts. Il y a un très petit
pourcentage de gens qui ont tout et tous les autres n’ont virtuellement rien.
Vous pouvez lire sans
restrictions les romans de Jim Harrison, à commencer par Dalva, La route du retour,
Faux Soleil, Sorcier ainsi que ses nouvelles :
Légendes d’automne par exemple.
"Le jour de votre Nom" Prix François-Victor Noury
Giono Melville
Voici un extrait du très beau livre de Jean Giono : « Pour saluer Melville ». Occasion d’évoquer deux de mes auteurs favoris. L’extrait de Giono ne pourrait être plus explicite et me va totalement. Droit au cœur ! Je vous conseil la lecture de Giono, grand styliste et grand métaphysicien, « un roi sans divertissement », « Les âmes fortes » « Le chant du monde », par exemple. Snober encore Giono serait vraiment stupide. Je vous recommande bien sûr celle d’Herman Melville et de son chef-d’œuvre : « Moby Dick »
L’œuvre n’a
d’intérêt que si elle est un perpétuel combat avec le large inconnu. A moi de
construire mes compas et ma voilure. Le jeu c’est de toujours partir pour tout
perdre ou pour tout gagner. Avec le livre qu’il vient d’écrire et qu’on va
publier, on va le prendre pour un rebelle. Les gens aiment la classification.
Il n’est un rebelle que parce qu’il est un poète. On ne peut le classer qu’à son
nom. Il n’est pas plus un écrivain de la mer que ce que d’autres sont des
écrivains de la terre. Il est Melville Herman Melville. Le monde dont il
exprime les images, c’est le monde Melville. Et après ça que Dieu soit béni. S’il
y a une continuité dans son œuvre, que se soit seulement sa marque. Ses titres
ne sont en réalité que des sous-titres ; le vrai titre pour tous ses
livres c’est Melville, Melville, Melville, et encore Melville, et toujours Melville.
Je m’exprime moi même ; je suis incapable d’exprimer un autre être que
moi. Je n’ai pas à créer ce que les autres me demandent de créer. Je n’entre
pas dans la loi de l’offre et de la demande. Je crée ce que je suis : c’est
ça un poète. Il réfléchissait que, s’il voulait, il serait aussi habile que d’autres
à faire du commerce littéraire. Mais, quelle vie insignifiante. Ils devaient
crever d’ennui. Quand il était, au contraire, lui, perpétuellement tourmenté, perpétuellement
inquiet, toujours haletant de courses et de poursuites, toujours anxieux de ce
qui allait surgir après le détour. Terrassé par de terribles désespoirs sans
issue, avec des créations qui foutaient le camp et s’écroulaient comme de la
boue, se disant : tu es un Jean-foutre, incapable de créer la moindre
chose ; et d’autres fois soulevé d’enthousiasme, il se disait : ça y
est, les petits copains peuvent toujours se l’accrocher. On le croyait riche,
il était pauvre. On lui disait qu’il n’avait pas vraiment suivit les goûts du
public et travaillé suivant ses goûts. Il répondait : « je suis
célèbre et il y des pauvres bougres qui me lisent et disent : ça c’est un
chic type. Et ils sont contents de savoir qu’il existe un chic type ; qu’est-ce
que vous voulez de plus. » Oui, mais, paraît-il, il avait trop négligé de
surveiller sa maison de commerce. Oui, il disait sa maison de commerce ;
se désintéressant d’un livre dès qu’il paraissait pour se consacrer entièrement
à celui qu’il allait écrire. « Il faut faire un peu de réclame », lui
disait-on. Ah ! Il avait de la réclame à faire pour autre chose : de
la réclame pour la boutique de dieu-le-père, voilà mon boulot. »
Jean Giono « Pour Saluer
Melville »
Avant d'écrire. "A la maniére de John Gierach"
Vous vous réveillez tôt
le matin, à la fraîche, l’expression convient parfaitement, même si vous avez
la certitude que la journée sera chaude et le ciel bleu, intense comme il l’est
si rarement à Paris. Vous passez par la cuisine, récupérez votre petit déjeuner
et sortez sur la terrasse pour vous installer dans le jardin, derrière la
petite maison en brique où vous séjournez avec votre compagne. Assis dans un
fauteuil en tissu imperméable, modèle utilisé par les pêcheurs du coin, vous
mangez tranquillement en regardant le grillage où vous avez aperçu, la veille, dans
les phares de votre voiture, un énorme raton laveur. Vous observez devant vous
les broussailles et les maisons cachées derrière de grands pins. Quelques
écureuils gris bondissent entre les branches d’un chêne rouge. Un geai bleu,
plus gros que nos merles, un cardinal rouge vif, un robin, se posent parfois dans
l’herbe. Deux chats tigrés viennent vous saluer et renifler la mousse sur la
terrasse. Ca commence comme une journée de pêche à la mouche décrite par John
Gierach, Traité du Zen et de l’art de la
pêche à la mouche, dont je vous recommande la lecture, même si de votre vie
vous n’avez jamais capturé la moindre truite. Il s’agit du début d’une matinée
de travail et de concentration. Vous allez bientôt rejoindre l’un de vos
endroits favoris pour écrire les derniers chapitres de votre second Roman. Café
à volonté. Le Globe ou le Walker’s ? Au Globe il fait frais et des
portraits d’écrivains Irlandais que vous aimez sont accrochés au mur. Le nom du
Pub vous évoque un certain Bill S, son théâtre londonien construit sous le
règne d’Elisabeth. Pourtant vous êtes à une centaine de miles au sud-ouest
d’Atlanta, à Athens, Georgia, ville universitaire du vieux Sud des Etats-Unis.
Maintenant vous traversez à pied l’Université. Une demi-heure de marche. Vous longez
le stade de foot, les bâtiments de briques rouges et leurs colonnes blanches de
style néoclassique. Magnolias, chênes, pins, chèvrefeuilles, caroubiers. La
terre est rouge. Quelque chose de british tombé par accident sous un climat
subtropical ; mais les ombres sont si larges sur les pelouses et vous avez
longé un vieux cimetière où des soldats confédérés sont enterrés. A midi vous
irez sans doute déjeuner au Five Star, vous lirez ensuite un peu de Giono, Un roi sans divertissement, peut-être Erskine Caldwell, Toute la vérité, un auteur considérable qui vécut dans la région.
Vous êtes en Caroline
du Nord, à Black Mountain. Vous vous rendez à pied au Dripolator coffeehouse, tôt
le matin, à la fraîche, l’expression convient parfaitement. Vous irez vous
asseoir à l’écart afin d’écrire les derniers chapitres de votre second roman.
Vous avez dormi dans une immense maison isolée au milieu des bois. Les gens du
coin l’appellent le manoir. On vous a montré des chausse-trappes dans les
lambris. Le propriétaire y dissimulait ses bouteilles d’alcool pendant la
prohibition. De quoi stimuler votre curiosité et votre imaginaire. Vous allez
solitaire, une ribambelle de fantômes accrochés à vos basques depuis que vous
avez claqué la porte. Vous longez de petites maisons de style colonial, croisez
de temps à autre la flèche blanche d’une église. Un type au volant d’un pickup
12 cylindres en V, passe et vous salue. Vous venez d’une très ancienne
civilisation. Peu importe. Les civilisations ne font que se succéder, conformer
leurs destinées les unes aux autres. Vous parvenez au centre ville : Short
et Tennis. Que deviennent les vieilles civilisations quand la majorité de leurs
citoyens ont perdu le sens de la langue ? Que deviennent les civilisations quand
les récits fondateurs ne réinventent plus le réel ? Vous êtes sans doute trop
pessimiste. Vous avez embarqué Cendrars avec vous, La prose du transsibérien et Lorca pour garder un pied en Espagne,
un pied ici et ailleurs, dans la civilisation. Vous avez aussi prévu Neruda et Derek Walcott dans la sacoche de votre ordinateur. Vous songez que Thomas Woolf
n’habitait pas loin, à Asheville où Fitzgerald tira quelques coups de révolvers
au plafond d’un hôtel. Beaucoup de bons écrivains sont passés et ont vécu dans
les environs.
Vous êtes loin. Quand
vous rentrerez en France vous aurez tout le temps de penser à votre
subsistance, à votre survie. Certaines vieilles cités vous manquent, mais ici,
au moins, vous ne pensez pas à l’accueil qu’on réservera à votre livre quand
vous l’aurez terminé. Ici vous n’êtes pas obligé de parler, de forcer votre
nature ou d’avoir l’air spirituel. Ici on vous salue Ici vous aimez saluer les
gens. Vous essayez de parler leur langue. On est indulgent. Vous songez
qu’écrire ce n’est pas expliquer ni transmettre, mais peut-être essayer de
fraterniser avec quelque chose. Vous espérez y arriver. Pas facile. Il faut
s’éloigner. Dans l’après-midi vous irez en montagne, arpenter un sentier cherokee,
dans les Appalaches ou ailleurs, et le travail du lendemain s’accumulera
lentement en vous. Il faut s’éloigner. Vous irez bientôt à New-York, grâce à
deux amis. Au Moma vous attend un Cézanne, une nature morte, un choc. Vous irez
aussi à Oxford Mississippi visiter ce cher W F, à Charleston et Savannah, offerte
intacte à la fin de la guerre civil. Un cadeau de noël du Général Sherman au Président
Lincoln. Une jeune civilisation arbore très vite les stigmates de sa propre
histoire, renoue toujours avec les bégaiements de ses sœurs ainées.
Maintenant vous êtes en
France. Il pleut cette petite pluie fine, agaçante. Personne ne vous salue dans
les rues. Il faudrait songer à s’éloigner.