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Amapola - Le blog d'Olivier Sebban
14 septembre 2009

Les vertes collines d’Hemingway ou la steppe de Tolstoï

hemingway_ernest_05« Les vertes collines d’Afrique » est sans doute, avec « Le soleil se lève aussi », l’un de mes romans préférés d’Hemingway. Dès les premières pages j’y ai éprouvé une familiarité étrange. Une référence majeure traverse ce récit battit tel un palimpseste. On sent le texte écrit sous l’égide d’une réminiscence, comme l’hommage adressé d’un livre à un autre livre. Je lisais Hemingway et j’avais envie de relire « les cosaques » de Tolstoï. J’étais obsédé par la mort du jeune cosaque, au début de cette superbe nouvelle. J’ai rapidement eu la satisfaction de vérifier mon intuition. Au fil du récit, on apprend que le narrateur a emmené la nouvelle de l’écrivain russe avec lui dans la savane. Chaque lecture le transporte dans la steppe. C’est en cela que réside la force d’une fable, nous dit-il, tandis que nous passons de l’endroit depuis lequel nous lisons, d’un hémisphère à l’autre, d’un roman à l’autre.

C’est cela la force d’un livre. Oui. Mais pas seulement. Car ce qui rapproche les deux récits tient autant au style et à cette obsession qu’avait Hemingway d’écrire une bonne histoire, qu’à leur thème sous-jacent. Je veux parler de ce regard implacable et lucide sur la mort, partagé par les deux écrivains. Ce qui m’a alerté et conforté dans cette idée d’une parenté entre les deux œuvres, n’est autre que cette vision métaphysique, froide et belle, sans issue, ce regard sans concession sur notre finitude et notre acharnement à vivre. On n’y rencontre nulle part, cette facilité qui consiste à évoquer l’absurde de façon pleurnicharde, ou chaque être jeté au monde ne connaît pas les raisons de son existence et de sa fin, mais on y discerne l’édiction d’une loi de perfection qui se moque des contingences d’une conscience. Tout dans l’univers trouve sa raison dans sa fonction. Chaque loi y est celle de la nécessité et rien de ce qui advient ne pourrait se dérouler autrement. Cette beauté froide ne console pas, c’est vrai, mais permet tout de même d’écrire, peindre, composer ou contempler, se questionner sur le sens d’une création et le génie amoral de son éventuel Créateur. C’est sans doute pour cette raison que dans « Les vertes collines d’Afrique » le style d’Hemingway atteint un summum de poésie. Tout nous y est donné à voir sans explications didactiques ou pompeuses. D’ailleurs, rien n’est plus puissant que ce passage ou une hyène blessée, condamnée à mort, semble fuir la balle qui vient de la frapper au ventre, ou une hyène court encore, comme si le projectile ne pouvait rien contre sa volonté. Elle finira par s’asseoir en se dévorant les entrailles. Sans doute afin d’assouvir une faim étrange, afin d’épuiser une pulsion, un refus, et se conformer à la cruauté de son sort sans vraiment s’y résigner.25_2

Bien sur, comme dans toutes les grandes œuvres, les références et les entrées de lecture sont variées. Mais j’envisage « Les vertes Collines d’Afrique » comme un véritable précis de littérature, le guide d’un écrivain chasseur en quête de sa propre création, rivalisant en descriptions si justes avec l’autre création, qu’elles sont une réponse à sa froideur initiale, une alternative à sa perfection. Ce que le chasseur cherche à débusquer, c’est cela, le tout et le détail, l’ensemble dans sa minutie, cette chose indéfinissable qui habite le monde et dont nous débusquons parfois la beauté. 

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