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Amapola - Le blog d'Olivier Sebban
11 novembre 2009

Continents à la dérive : Russel Banks

AVT2_Banks_5083« Continents à la dérive » est l’un des romans les plus puissants de Russel Banks. Il s’agit d’un récit contemporain dont le thème est sans doute le plus archaïque, le plus intemporel. Banks y évoque l’une des aspirations humaines la plus élémentaire, la nécessiter de se déplacer afin de vivre mieux, cette volonté imparable pour l’homme d’aller voir un peu plus loin, trouver de meilleurs conditions. Parfois, une exigence absolue pousse à fuir la misère. C’est le cas d’une jeune haïtienne contrainte de quitter son île. D’autre fois, il s’agit simplement de plonger dans l’inconnu pour trouver du nouveau, vivre une autre vie, abolir la monotonie et donner un sens à son existence. L’espérance de Robert Dubois, l’occidental lassé de son quotidien, angoissé par l’âge et la répétition, décidé à quitter le New Hampshire pour la Floride, n’est pas moins noble ou plus discutable que celle de la jeune haïtienne chassée par une nécessitée douloureuse. Cette espérance émane simplement d’un mouvement aussi naturel que le mouvement des plaques tectoniques et la migration saisonnière de certains animaux. Il n’y a pas de remède à cette loi, ni nationalisme, ni frontière. Banks, dans ce récit d’une hauteur métaphysique et d’une justesse impressionnante, croise deux destins dont les désirs finiront par se heurter sans véritablement rencontrer, deux figures séculaires, deux visions du monde indiscutables, qui bien qu’étrangères, ne sont pas totalement antagonistes.9782742728237

Dès que le rêve se concrétise, dès que le fantasme d’une vie meilleure se confronte au réel, la tragédie s’enclenche. Le rêve peut conduire au désastre et il n’y a pas d’issue dans l’utopie, à part l’échec. Banks nous parle de cette malédiction. La condition humaine, soumise à des lois d’airains, aggrave son destin en ajoutant sa propre violence à la violence aveugle de la nature. Inexorable est le mot qui me venait à la lecture, il y a maintenant quelques années, de ce livre. Je conserve un souvenir prégnant de Bob Dubois, cet homme qui se débat sans cesse pour se sortir d’un mauvais pas, s’acharne, veut échapper à sa condition, calcule et ratiocine, échafaude, espère, mais sombre toujours plus bas. Je garde un souvenir de Bob et de son enlisement, de sa descente vertigineuse aux enfers. N’est-ce pas la mienne ? N’est-ce pas celle de l’espèce toute entière obstinée, jetée dans une cavalcade sans objet ? Ne somme-nous pas tous des aspirants au départ et à la migration ?

Le roman est entièrement rédigé au présent : temporalité inéluctable qui illustre parfaitement la course sans issue du récit. Si la langue de ce livre est âpre, parfois peu soignée, du moins en apparence, car Banks sait être un vrai styliste, c’est le cas dans « Pourfendeur de nuages », un autre de ses grands romans, c’est uniquement afin de coller à son propos, suivre la dérive de ses personnages avec une proximité qui suscite plus que de l’empathie. La langue de Banks est avant tout physique, elle témoigne d’une densité que peu d’auteurs savent atteindre.

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