A Propos NEW-YORK
New-York me fascine.
Cette cité dont je rêve depuis l’enfance, à l’époque où je regardais de
vieilles photos du pont de Brooklyn datant du XIXème siècle, me considérant
sans doute comme un migrant potentiel, un déraciné paradoxal, n’a cessé
d’exercer sur mon imaginaire une invitation à déguerpir. Les rues encombrées de
charrettes à bras du Lower East Side, les tenements en briques et leurs
escaliers métalliques, leurs appartements surpeuplés, le quartier juif ou
Italien, Ellis Iland, les histoires d’émigrants ont toujours eut une résonance
particulière dans l’idée que je me fais d’un impossible retour au foyer. Si
cette ville a toujours cristallisé l’idée de départ, de nouveauté totale, elle
a souvent engendré la recréation d’une patrie quittée dans des conditions
difficiles, idéalisée dans la distance. L’exil favorise la réinvention de ses
origines, et la concentration ethnique, même l’espace d’une génération,
fabrique un nouvel enracinement. Le génie de New-York tient sans doute à cela.
Les populations se déplacent, opèrent un retour sur leur identité, puis se
dispersent grâce à la forte mobilité sociale américaine, qui fonctionne, malgré
la misère et les épreuves. Il y a, pour nous français, à l’heure où nous nous
contractons autour de débats identitaires oiseux, une vraie leçon à tirer de
cette expérience. Un descendant de migrant américain, lorsqu’il quitte sa
condition, ne fait pas retour au pays des origines pour fouiller son passé,
mais au quartier dont sont sortis ses parents. On ne peut rêver, par ici, chose
plus étrange. Verrait-on des banlieusards retourner dans leurs cités pour
respirer l’odeur de la rue ? Je peux vous certifier, ayant vécu mon
enfance entre un immeuble planté au bord d’une autoroute, aux confins de l’une
des pires banlieues françaises, et une Espagne lumineuse, que je n’éprouve
aucun plaisir, quand je retourne par hasard au bord de ma quatre voix.
Mobilité Sociale :
ne pas négliger cela, car l’identité se fait dans la reconnaissance et non sous
la menace, sans perspective de hisser sa vie hors du marasme. Bien-sûr on
pourra m’objecter que je passe sous silence la condition des noirs américains
ou des indiens. Non
je ne la nie pas. Il s’agit toujours d’un échec considérable et les
afro-américains, malgré l’élection d’Obama, restent encore les laissés-pour-compte
d’un système souvent très dur, mais ou
les perspectives existent.
Bref, j’ai donc eu la
chance de parcourir récemment et pour la première fois cette ville. Grâce à ma
compagne et à deux amis américains. Les chinois, pourtant présents depuis
longtemps sur la côte Ouest, ont remplacé les juifs autrefois chassés par les pogromes et la misère, les porto-ricains, les Irlandais chassés par la famine et
la maladie de la pomme de terre. Ils travaillent avec la même ferveur que leurs
prédécesseurs. New-York, c’est le monde entier et le monde entier se fond dans
cette cité depuis son origine. Je ne saurais trop vous recommander la lecture de : New-York, histoires, promenades anthologie
et dictionnaire, une somme remarquable, dirigée par Pauline Peretz. Des
strates d’histoires se confondent à New-York. Certes, cela n’a jamais été
sans heurts, je le répète, mais cette ville, d’une incroyable beauté, génère toujours
une énergie incomparable avec le Paris d’aujourd’hui. Pour un écrivain, il n’y
a pas meilleur creuset qu’une mégapole encore vivante, ou tant d’histoires se
rencontrent et se heurtent. De ses heurts, de ses soubresauts, peut naître la
littérature.